J’ai passé le dernier mois ou deux à peaufiner la China Media Map, un de mes projets au Centre de journalisme et d’études médiatiques de l’Université de Hong Kong. On peut l’appeler _la_ Carte des médias chinois, avec un grand C (ou M), car elle a été produite avec les bons conseils et l’inestimable connaissance en la matière de mes collègues du China Media Project. Et qu’en fait, deuxio, les données brutes proviennent de la source ultime, soit l’Administration générale de la presse et des publications (GAPP en anglais), l’agence gouvernementale qui gère tout enregistrement pour être officiellement reconnu comme entité médiatique, sans quoi vous ne pouvez pas faire de la nouvelle.
Que peut-on faire en pratique avec cette carte bâtie par-dessus la plateforme Google Maps ? On peut tout d’abord zoomer et cliquer, pour faire la recherche des médias par location géographique. Un événement important se passe en Chine, et vous n’avez qu’une vague idée d’où il s’est produit ? Pas de panique, car mon collègue David Bandurski l’indiquera sur la carte et vous proposera ses analyses et observations toujours très justes. C’est dans les plans, mais on veut un jour ajouter nos propres données et commentaires sur ces agences de presse, et établir les relations entre celles-ci, afin de mieux expliquer le monde (très complexe) des médias chinois.
Notre but ? Mon but technique était de démontrer qu’on pouvait naviguer l’information différemment que sur une page Web. C’est toujours le Web, mais ici, la carte est à la base de l’application, et non la page Web avec des titres et du texte. Notre but, pour les utilisateurs de la carte, apporter une nouvelle dimension à l’étude des médias chinois, faciliter la recherche de sources d’information en offrant une plateforme intuitive pour modéliser ces entités dans leur environnement géographique. Et ensuite, rendre plus accessible ces médias : si on veut comprendre la Chine, ses médias, c’est bon de pouvoir la comprendre dans sa propre langue ! Donc, on facilite l’accès à des outils de traduction via des liens à Google Translate et des traductions “simultanées” en surlignant avec sa souris.
(J’ai un nouveau blogue, un autre, de développeur cette fois, qui s’appelle le Rice Cooker. Car en cantonnais, ça donne din faan po, qui se traduit cuiseur de riz électrique. Et c’est parce que c’est un blogue sur des choses en bêta — en constante cuisson, donc.)
[Bon, j’en profite pour m’exprimer. On niaise beaucoup les médias chinois pour le manque de liberté, etc, ce qui est encore vrai. Mais au lieu de varger dans le tas tout le temps et de parler comme si les choses empiraient — ce qui est faux — on devrait s’intéresser plus aux changements qui s’opèrent dans les médias en ce moment. Je pense que s’il y a réforme, celle-ci se fera à l’intérieur du cadre légal — en d’autres mots, les choses changeront à l’intérieur du système, pas par une révolution via feu & sang. C’est vrai dans le monde syndical et du travail en Chine, et ça sera vrai dans les médias : c’est une affaire de lois.
Donc, oui, il faut comprendre que pour être un média en Chine, il faut généralement s’inscrire auprès du GAPP — à moins que vous n’êtes qu’un portail, et que vous n’avez pas officiellement de salle de presse… Il y a des relations de pouvoir entre vous et le Parti. Mais l’entité politique qui vous contrôle, elle peut être de niveau national, provincial, ou municipal. C’est la clé. Si vous faites chier votre pallier de gouvernement, vous allez passer un mauvais quart d’heure — dans le temps, on vous sacrait dehors, comme disent les Anglais. Mais qu’est-ce qui se passe si vous écrivez sur la province voisine, ou la ville voisine ? Peut-être pas grand-chose, finalement. C’est un peu ça, la réalité de la presse chinoise. Ça marche, et ça donne des journaux provinciaux (comme le Southern Weekly) qui font du très bon journalisme national.
Finalement, je recrache beaucoup de ma présence à l’IMCHK. Une autre chose, qui vient de Hu Shuli, espèce de monstre sacré du journalisme d’enquête — un autre mythe, c’est que si vous faites du journalisme d’enquête, on ne vous met pas en prison, mais on vous donne beaucoup d’argent pour partir votre nouvelle compagnie de presse, car des médias crédibles, ça vend très très bien en Chine.
Alors quand Mme Hu est venue donner son discours tant attendu, lors du point de presse, elle a souligné deux sentiments qu’elle avait par rapport à l’évolution des médias en Chine : confiance et optimisme (ce qui manque pas mal en Occident, vous trouvez pas ?). C’est en écoutant des femmes comme elle qu’on comprend pourquoi c’est si important de réaliser que la Chine deviendra une puissance médiatique crédible, un jour. Il faut s’asseoir et observer les signes de changement. C’est ça notre job au JMSC en fin de compte.]