LO Ha, de l’Association cantonaise de divertissement pour l’âge d’or
Samedi dernier, je me suis promené au Quartier Chinois avec mes grands-parents, c’est-à-dire les parents à ma mère. Ça fait plus d’une vingtaine d’années qu’ils se sont installés à Montréal, et le Quartier Chinois est pour eux l’endroit où ils retournent et peuvent évoluer dans leur langue, le Cantonais. Pourtant l’un des deux dialectes les plus parlés par les chinois ayant immigré outre-mer avant l’ouverture de la Chine continentale, le Cantonais n’est cependant parlé que par 80 millions des 1,4 milliards de Chinois. Mais au Quartier Chinois de Montréal, comme c’est le cas de plusieurs quartiers chinois à travers le monde, le Cantonais est encore une langue dominante dans la plupart des commerces.
Avec eux, nous avons fait le tour des pharmacies (occidentale, cette semaine), épiceries et cafés, en s’arrêtant au milieu par un lieu tout à fait invisible de la rue, l’Association cantonaise de divertissement pour l’âge d’or. L’Association se trouve située sur De La Gauchetière, à quelques numéros à l’Est de St-Urbain, au sous-sol d’un édifice à l’entrée mal éclairée.
Comme son nom l’indique, l’Association est un club de l’âge d’or. La porte de vitre y menant, avec les heures d’ouverture de l’endroit, dessus accrochées, aurait pu être celle d’un restaurant ou d’un vieux commerce de brocante, mais au bas des escaliers se cache un surprenant temple chinois. Mon grand-père me dit au passage que les touristes en visite au Quartier Chinois s’arrêtent régulièrement à l’Association, qui ressemble plus à un temple qu’à un club social.
« Ça fait depuis 1980 que je suis au Canada », me raconte Lo Ha, l’homme d’une soixante-dizaine qui semble être le gérant de l’endroit, après quoi il échange avec mes grand-parents et autres gens présents cet après-midi. On va d’un cantonais brisé (le mien) à un français tout autant brisé (plutôt le sien) tout au long de notre conversation.
L’accent de M. Lo, en chinois, aux tons nasillards m’avait d’abord porté à croire qu’il était un Chinois ethnique du Vietnam. Il était en fait originaire du Laos, pays sans littoral de l’Asie du Sud-Est. En 1980, cinq ans après avoir vécu dans un camp de réfugiés en Thaïlande, il immigra à Montréal avec ses 11 enfants et au total 32 membres de sa famille. Il m’a ensuite écrit le nom de leur ville d’origine au Laos, 他曲 (Ta Qu en Hanyu Pinyin, Thakhek en Laotien) dans la province du 甘蒙 (Khammuan). Une recherche sur Google est de mise.
Les ancêtres de M. Lo viennent de 三水 (San Shui) dans le Guangdong qui fait maintenant partie de la super-agglomération de 佛山 (Foshan, ou Futsan en cantonais), dans les environs de la capitale provinciale de 廣州 Guangzhou (Canton), et là d’où viennent également mes grand-parents.
Une statue en marbre blanc de Guan Yu (關羽)
Trois statues en marbre blanc, représentant Guan Yu (le héros des Trois Royaumes), Tian Hou (aussi appelée Tin Hau, que je connais à cause de la station de métro et du lieu de culte duquel elle a été baptisée, à Hong Kong), et une déité que je ne connaissais pas, prennent place sur une table où se bousculent plantes vertes, jarres d’encens et collations chinoises en offrande. Dans une salle à l’arrière du local, immanquablement, des hommes âgés passent le temps autour d’un jeu de dames chinoises.
110B Rue de la Gauchetière O. 514-878-1551
Bravo! Une belle histoire, et nous aide à comprendre les origines complexes des communautés chinoises et sino-sud-asiatiques de Montréal.
Les commerçants de la rue St-Denis près de Jean-Talon sont de quelle origine? Sino-vietnamienne? Sino-laotienne?
En tout cas les aînés ont un beau club et votre grand-père est un très beau monsieur.
Merci! Je connaissais des Chinois de Hong Kong, et d’autres du Cambodge qui possédaient ou possèdent encore des épiceries non loin de ce coin de rue. Ma tante, Chinoise du Vietnam, possédait autrefois un commerce de fast-food (américain) dans les environs.
(Peut-être que c’était pas évident, mais le monsieur sur la photo n’est pas mon grand-père!)